PASTO - RÉALISME

AMÉLIA VEITCH

Cette série d’images est le fruit d’un travail de terrain ethnographique entrepris en 2019 par Amelia Veitch. Son objectif est alors de documenter les évolutions du mode de vie pastoral, un mode de production économique et social principalement tourné vers l’élevage multi-espèces. Le pastoralisme, première activité économique du pays, a en effet subi des transformations majeures : il passe d’un mode de gestion socialiste sous la période soviétique, à une gouvernance néolibérale depuis l’accession du Kirghizistan à l’indépendance en 1991. Si la première décennie de la nouvelle République est marquée par une crise économique profonde, Amelia Veitch travaille dans un contexte de renouveau de l’élevage, redevenu une activité familiale. C’est à Tepke, dans un petit village au Nord-Ouest du pays, qu’elle s’immerge pendant plusieurs mois pour participer aux activités d’élevage. Chaque année, les familles pratiquent une transhumance verticale, menant paître leurs troupeaux dans les jailoo alentours, les riches pâtures de haute montagne. Elles y installent leurs camps de yourte jusqu’à l’automne.

Les images d’Amelia Veitch invitent à observer les relations entre les humains et les animaux, en particulier les chevaux, considérés au Kirghizistan comme « les ailes des Hommes ». Elles invitent également à pénétrer dans un environnement très masculin, où les manières de se tenir, de se toucher, exacerbent les attributs de la masculinité : force physique, honneur, domination des montures. Les images documentent ainsi une réalité émergente : la reconstruction identitaire post-soviétique repose sur une consolidation ethnique, qui passe par une mise en scène de la famille « traditionnelle », aux rôles extrêmement genrés. Ce qui est « traditionnel » au Kirghizistan, est une reproduction collective contemporaine. La figure mythique du cavalier en est le pilier symbolique central.